Bach – Klavierübung III – Grand Catéchisme

Prise de son Cyril Pelegrin, direction artistique Jean-Pierre Rolland, assistant Colin Heller.

Un grand merci à  Bernard Hédin et Jean-Marie Tricoteaux sans qui cet enregistrement n’aurait pas été possible.
Sans oublier Stéphanie Weerts et Eddy Mangani.
 
Photos : Nicolas Serve.
 

Pour l’enregistrement de cette première partie, j’ai choisi le magnifique orgue Freytag de Béthune, harmonisé par Jean-Marie Tricoteaux.

Deux précisions sont importantes : le plan de cette œuvre ne se réduit évidemment pas à cette dualité petit / grand catéchisme d’une part et, d’autre part, les œuvres sans pédale ne sont pas des œuvres faciles. Elles montrent même une recherche contrapuntique complexe.

Il ne me semble pas opportun de faire ici une analyse détaillée de chacune des pièces de ce recueil. Je renvoie en fin de ce texte à deux ouvrages intéressants à ce sujet.

Je souhaite plutôt attirer l’attention sur un aspect particulier de la démarche de Bach. Dans ce domaine, s’il est impossible d’énoncer des certitudes, il est possible et à mon avis souhaitable d’avoir des opinions, des hypothèses qui finalement se transforment en choix artistiques.

Je veux parler de ce que j’appelle « le drame fondateur de la vie de Bach », c’est-à-dire de la perte de ses parents qui l’a fait devenir orphelin à l’âge de dix ans. Même au XVIIe siècle, où l’idée de la mort est omniprésente, cet événement est violent pour un enfant. Ma conviction est que cela a provoqué en lui cette résilience qui l’a propulsé dans ce qu’a été sa vie : être un intermédiaire entre Dieu et les hommes à travers la musique. Ma conviction est aussi que le Dieu que Bach exprimait dépasse largement le cadre du strictement religieux.

Je ne pense pas que nous puissions un jour percer tous les mystères de sa pensée… mais, en attendant, faute de lire dans ses pensées, je lis dans sa musique et ce que j’y trouve guide mes choix musicaux. Je livre en annexe l’analyse de la sonate BWV 1018 pour violon et clavier dans laquelle, à mon avis, il dévoile ce drame en relation avec le symbolisme rose-croix. Pourquoi cette référence ? Selon moi, du fait que les membres de cette Fraternité, qu’elle ait existé ou non, mais dont les écrits publiés entre 1614 et 1616 ont fait grand bruit, ne se connaissent pas entre eux et travaillent de façon isolée et cachée. Cela illustre bien la solitude dans laquelle Bach s’est trouvé à la mort de ses parents.

Mais il y a une autre solitude. C’est celle qui est issue du sentiment d’être incompris voire rejeté par les autres. Une chose est certaine, à la fin de sa vie, Bach fait une musique qui n’est plus dans le goût de son temps. Sans doute ne s’y sent-il pas à sa place non plus. Les nombreuses difficultés rencontrées avec les autorités de Leipzig n’ont pas dû arranger les choses…

Le parallèle est troublant avec la vie de ce personnage fictif qu’est Christian Rosencreutz, parti en Afrique du Nord pour y intégrer la pensée et les connaissances secrètes orientales, rejeté lors de son retour dans son pays natal, ce qui le poussera à créer sa Fraternité (tel est du moins le récit qui en est fait dans les publications citées plus haut). J’en ai trouvé une trace dans les quatre Duetti qui figureront dans la suite de cet enregistrement. Je la détaillerai en temps voulu.

Pour une analyse plus précise de ces points, n’hésitez pas à consulter les textes publiés sur le site.

Bibliographie:
Kees Van Houten, Marinus Kasbergen, Bach et le Nombre, éd Pierre Mardaga, 1992 ; Bernard Gorceix, La Bible des Rose-Croix, éd PUF, 1970, coll. Quadrige, Grands textes ; Philippe Charru, Christoph Theobald, La pensée musicale de Jean-Sébastien Bach, éditions du Cerf, 1993.